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Comment les données sont-elles utilisées dans la Planification Spatiale Maritime ?

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  • Le 16 janvier 2025
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Ces dix dernières années, de plus en plus de projets transnationaux ont exploré l’utilisation des données dans la Planification Spatiale Maritime (PSM), notamment pour intégrer une approche écosystémique. Mais comment respecter les objectifs de l’approche écosystémique fixée par la directive européenne si les interactions entre activités humaines et environnement marin ne peuvent pas être reflétées par les données ?

Ces dix dernières années, de plus en plus de projets transnationaux ont exploré l’utilisation des données dans la Planification Spatiale Maritime (PSM), notamment pour intégrer une approche écosystémique. Cette approche suscite une attention croissante en raison des exigences de la directive 2014/89/UE pour gérer l’impact des activités humaines sur nos mers et océans.  Pourtant, peu de recherches se penchent sur un aspect crucial :  les biais liés aux données utilisées dans les analyses écosystémiques.

Aujourd’hui, les données marines sont principalement détenues par les agences gouvernementales, et leur accès parfois limité, ainsi que les difficultés à comparer les informations à l’échelle internationale, compliquent l’étude et la gestion des espaces marins. De plus, les cartes, qui sont des outils essentiels pour la gouvernance maritime, ne sont pas des représentations neutres de la réalité. Elles sont souvent façonnées par des choix politiques ou des intérêts spécifiques, ce qui en fait un matériel intéressant à analyser pour comprendre comment les données sont utilisées pour façonner nos représentations de l’espace marin.


Figure 1 : Résultats des 19 plans maritimes analysés selon les quatre indicateurs


Cet article se concentre sur les plans marins européens, en analysant spécifiquement comment les données et les cartes sont utilisées pour mettre en œuvre la PSM. La question principale peut être résumée de la façon suivante : comment respecter les objectifs de l’approche écosystémique fixée par la directive européenne si les interactions entre activités humaines et environnement marin ne peuvent pas être reflétées par les données ?

Pour explorer cette question, J. Davret et B. Trouillet étudient les plans maritimes européens dans le cadre de la directive cadre 2014/89/EU. Leur approche consiste à analyser le contenu de ces plans en fonction de quatre critères permettant d’évaluer l’utilisation des données et des cartes pour répondre aux ambitions de l’approche écosystémique. Ces critères sont les suivants :

  • I1 : Les zones écosystémiques sontelles documentées ?
  • I2 : Y at-il une superposition de données ?
  • I3 : Existet-il des indicateurs d'impact sur la zone marine ?
  • I4 : Une approche multidimensionnelle de l'espace marin estelle documentée ?

En somme, l’objectif est de comprendre comment les données et les cartes influencent les décisions dans la gestion des espaces marins et de s’assurer qu’elles reflètent véritablement la complexité des écosystèmes marins.

Les résultats de l’étude montrent que les données utilisées pour la PSM en Europe présentent plusieurs lacunes importantes :  

  1. Manque de cohérence entre les États membres : Il existe une absence d’harmonisation dans la manière dont les différents pays collectent et organisent leurs données. Cela rend leur comparaison et leur utilisation à l’échelle européenne particulièrement complexe ;
  2. Qualité insuffisante des données : les données liées à la biodiversité marine, par exemple, sont souvent obsolètes ou manquent de précision. Cela limite leur utilité pour une gestion efficace de l’environnement marin ;
  3. Couverture limitée des interactions entre activités humaines et écosystèmes marins : les données disponibles ne permettent pas d’évaluer correctement les impacts des activités humaines comme la pêche, le transport maritime ou l’aménagement côtier sur les écosystèmes marins, rendant difficile une évaluation complète des impacts environnementaux ;
  4. Recyclage de données : une limite majeure est que les données utilisées pour la planification proviennent souvent de projets précédents sur la gestion des ressources marines, ce qui n’est pas idéal pour la PSM, qui nécessite une approche plus spécifique et actualisée.

En résumé, l’étude suggère que l’approche écosystémique est mal reflétée dans les cartes de planification, à cause de l’absence de jeux de données adaptés, de contraintes technologiques et de décisions politiques. Les auteurs concluent que les données sont souvent recyclées pour des objectifs de planification, ce qui empêche une représentation fidèle des interactions marines. L’étude met également en évidence l’importance de considérer l’ensemble du cycle de vie des données, de leur production à leur représentation, afin d’avoir une vision complète et cohérente de la mise en place de la PSM.  

Pour remédier à ces lacunes, il serait pertinent que les États améliorent la qualité et la couverture des données disponibles, tout en prenant en compte les contextes politiques et économiques. Il serait également bénéfique de favoriser la collaboration entre les différents acteurs (scientifiques, gestionnaires et responsables politiques) pour renforcer les efforts en matière de collecte et d'utilisation des données, et ainsi optimiser les décisions de planification.

 

Lien vers l'article : https://jimis.episciences.org/15141/pdf

Juliette Davret est post-doctorante à Maynooth University Social Sciences Institute (Irlande).
Brice Trouillet est professeur des universités au laboratoire LETG (Nantes Université, UMR 6554 CNRS).

Mis à jour le 11 mars 2025.