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La pêche artisanale est-elle sur la voie de la durabilité ?
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Le 23 avril 2024false false
Les pêches artisanales représentent 90% de la pêche mondiale et plus de 60 millions de personnes employées dans la chaine de valeur. Cette étude se concentre sur les pêches artisanales marines en tant que contributeurs aux ODD, notamment dans le contexte de la réalisation de la sécurité alimentaire, de l'éradication de la pauvreté et de la préservation de l'environnement. L’outil développé a été mis à l’épreuve dans deux études de cas à Madagascar : la pêche du crabe à Morondava et la pêche du poulpe à Andavadoaka. Son application a démontré que les pêches artisanales peuvent contribuer de manière positive à plusieurs ODD, mais les contributions spécifiques varient en fonction du contexte de la pêcherie.
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L’Agenda 2030 des Nations Unies paru en 2015, consiste en 17 Objectifs de Développement Durable (ODDs) et 169 cibles associées qui peuvent être utilisées pour évaluer et promouvoir un développement durable.
Cette étude se concentre sur les pêches artisanales maritimes en tant que contributrices aux ODD, notamment dans le contexte de la réalisation de la sécurité alimentaire, de l'éradication de la pauvreté et de la préservation de l'environnement.
Tout d’abord il est important de souligner que les pêches artisanales représentent 90% de la pêche mondiale et plus de 60 millions de personnes employées dans la chaine de valeur. Les pêches artisanales fournissent des moyens de subsistance à des millions de personnes dans le monde (ODD 1 et 8) et jouent un rôle crucial dans la sécurité alimentaire (ODD 2), en particulier dans les communautés côtières. Elles sont généralement réputées plus respectueuses de l'environnement que les pêches industrielles, car elles utilisent des méthodes de pêche à faible impact (ODD 12 et 14). De plus, les pêches artisanales sont souvent ancrées dans les cultures locales et constituent une partie intégrante du patrimoine culturel de nombreuses communautés côtières (ODD 11). Compte tenu de leur importance sociale, économique et environnementale, les pêches artisanales méritent une attention particulière dans les efforts visant à promouvoir le développement durable.
Malgré leur importance pour les communautés côtières et la sécurité alimentaire, les pêches artisanales restent sous-étudiées et méconnues. Plusieurs problèmes entravent leur bonne compréhension. Les informations sur les captures, l'effort de pêche et les impacts socio-économiques sont souvent limitées, rendant difficile l'évaluation de l'état des stocks et des contributions de ces pêches. Les pêches artisanales se caractérisent par une grande diversité de méthodes, d'espèces ciblées et de déterminants socio-économiques, ce qui complique la généralisation des résultats de recherche. Enfin, les pêches artisanales sont souvent négligées dans les politiques et les stratégies de gestion, au profit des pêches industrielles à plus grande échelle.
C’est dans ce contexte que Bitoun et al., ont développé un outil d’identification et de caractérisation des relations entre les pêches artisanales côtières et les ODDs. Leur approche s’est développée en quatre étapes :
- La sélection des ODD et des cibles, effectuée en examinant la littérature scientifique et en utilisant l'outil UN LinkedSDG pour mesurer la similarité sémantique entre la littérature traitant de pêche artisanale et les ODD : 11 ODD et 32 cibles ont été sélectionnés.
- La création de variables afin de mesurer la contribution des pêches aux cibles recensées. Une analyse thématique des indicateurs des Nations Unies a été réalisée afin de décliner ces thèmes en 43 variables pertinentes pour mesurer les 32 cibles sélectionnées à l'étape précédente.
- Une évaluation des pêches artisanales en lien avec des experts sélectionnés.
- L’agrégation des variables en indicateurs composites pour mesurer la contribution des pêches à chacune des cibles sélectionnées.
Figure 1 : Nombre de cibles des Objectifs de Développement Durable (targets en anglais) en lien avec la pêche artisanale (en bleu) relatif au nombre de cibles contenues dans l’ODD (en gris).
L’outil développé a été mis à l’épreuve dans deux études de cas à Madagascar : la pêche du crabe à Morondava et la pêche du poulpe à Andavadoaka. Son application a démontré que les pêches artisanales peuvent contribuer de manière positive à plusieurs ODD, avec des variantes en fonction du contexte de la pêcherie. Cela s'explique par le fait que les pêches artisanales sont des systèmes socio-écologiques complexes influencés par divers facteurs, tels que l'environnement local, le régime de gouvernance et les conditions du marché. Par conséquent, il est important d'adopter une approche au cas par cas lors de l'évaluation des contributions des pêches artisanales aux ODD.
Aujourd’hui, ce travail a permis de proposer un outil de diagnostic pour identifier les forces et les lacunes du potentiel des pêches artisanales dans la réalisation d’ODDs, et cela est d’autant plus important dans des situations où les données sont limitées. À ce jour, plus de 60 cas d'études ont été évalués dans sept pays partenaires du projet, à savoir la Colombie, l'Équateur, la France, le Kenya, Madagascar, le Mexique et le Nigéria. Le groupe de chercheurs synthétise ces expériences afin d'identifier des modèles et des tendances dans la contribution globale des pêches artisanales aux ODD. L'objectif ultime est de mettre en lumière, à l'échelle mondiale, le rôle de la pêche artisanale dans la réalisation des ODD.
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Lien vers l’article : https://link.springer.com/article/10.1007/s11625-024-01470-0
Rachel Bitoun est ingénieure d’étude à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), UMR Espace-Dev, Montpellier, France.
Marc Léolpold est chercheur à l’IRD, UMR ENTROPIE, Brest, France.
Thierry Razanakoto et Ravaka Randrianandrasana sont respectivement chercheur et ingénieure d’étude au Centre d’Etudes et de Recherches Economiques pour le Développement (CERED), Université d’Antananarivo, Madagascar.
Shehu Akintola est professeur au département des pêches de la Faculté des Sciences à l’Université de Lagos State, Nigeria.
Pascal Bach est chercheur à l’IRD, UMR MARBEC, Sète, France.
Esther Fondo est chercheure à l’institut de recherche marine et halieutique du Kenya (KMFRI), Mombasa, Kenya.
Nicole Franz est cheffe d'équipe « Moyens de subsistance équitables », Division de la pêche et de l'aquaculture, FAO, Rome, Italie.
Nikita Gaibor est chercheur à l’Institut public de recherche en aquaculture et pêche (IPIAP), Université du Pacifique, Guayaquil, Equateur.
Yoluène Massey est ingénieure d’étude à l’IRD, UMR MARBEC, Sète, France.
Lina Maria Saavedra-Díaz est directrice du groupe de recherche systèmes socio-écologiques pour le bien-être humain (GISSBH), Université de Magdalena, Colombie.
Silvia Salas Marquez est chercheure au Centre de recherche et d'études avancées (CINVESTAV), Mérida, Mexico.
Milena Arias Schreiber est chercheure au Laboratoire EqualSea (Université Santiago de Compostela, Espagne) et à l’école des études globales (Université de Gothenburg, Suède).
Brice Trouillet est professeur des universités à Nantes Université (Laboratoire LETG - UMR 6554 CNRS), France.
Ratana Chuenpagdee est professeure au département de Géographie, Université Memorial de Terre-Neuve, St. John’s, Canada.
Rodolphe Devillers est directeur de recherche à l’IRD, UMR Espace-Dev, Montpellier, France.
Profil de la première autrice
Rachel Bitoun a entrepris son parcours académique en suivant une double spécialisation en Licence, l’une en sciences politiques et sociales, et l’autre en Géographie de l’Environnement à l'Université Rennes 2. Son parcours s'est poursuivi avec un Master en gestion de la mer et du littoral, obtenu à l'Université Montpellier 3 en 2017. Ses travaux de fin d’études se sont vus récompensés par le Prix Master 2, attribué par l’Institut de l’Estran pour les travaux de recherche innovants liées à la connaissance et à la gestion des espaces littoraux et insulaires.
Rachel s’intéresse particulièrement aux sciences de la durabilité en zone littorale, tropicale ou insulaire. Les sciences de la durabilité sont un domaine interdisciplinaire qui cherche à comprendre les interactions complexes entre les systèmes humains et naturels, et à développer des solutions aux défis de la durabilité. A ce titre, Rachel mobilise des concepts de la Géographie, de l’Ecologie et des sciences sociales pour étudier des systèmes socio-écologiques complexes en fournissant des outils et des méthodes pour développer des solutions aux défis de la durabilité.
Actuellement en charge d’une étude pour l'Institut Agro de Montpellier, Rachel est chargée de concevoir une méthode d'analyse et d'évaluation ex-post de l'impact des actions de la Chaire partenariale AgroSys sur la transition vers l'agroécologie. Cette méthode multicritère et participative vise à évaluer les initiatives de la Chaire et orienter ses prises de décision futures.
Tout au long de son parcours Rachel a travaillé sur plusieurs programmes de recherche financés par diverses organisations (Fish2Sustainability, MOVE-ON, STOREM, Mangrove Initiative, et Adapto). Elle a également collaboré avec de nombreux organismes de recherche et entreprises. Elle a mené des travaux scientifiques dans plusieurs régions du monde, notamment autour de la région océan indien, des territoires d’outre-mer européens, de l’Afrique de l’Ouest et en Amérique latine.