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Multi-usage, usages multiples, de quoi parle-t-on ?
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Le 28 mars 2024false false
Retracer et comprendre l’émergence du concept de multi-usage en mer, tel était l'objectif de cet article. Né dans les années 1970, le concept d’usages multiples repose sur le constat d’un accroissement et d’une diversification des activités humaines en mer et donc de la nécessité d’organiser, de gouverner et de planifier l’aménagement des espaces maritimes. En parallèle, le multi-usage propose d’appréhender les synergies pouvant exister entre les activités humaines en mer et de les développer, notamment dans le cadre des politiques de planification spatiale marine.
Le multi-usage est un concept relativement nouveau, émergent des politiques et des sciences de la mer et visant la combinaison fonctionnelle de plusieurs activités humaines. La combinaison archétypale consiste en l’intégration de l’aquaculture dans des parcs éoliens en mer.
Cette étude a été développée dans le cadre programme de recherche international intitulé « MultiFrame » hébergé par le Belmont Forum, JPI Oceans et Future Earth. L’objectif de cet article était alors de retracer et de comprendre l’émergence du concept de multi-usage en mer.
Grâce à une étude bibliographique, les auteurs ont pu identifier 311 articles traitant du multi-usage, portant majoritairement sur les aires marines protégées (AMP) et la planification spatiale maritime (PSM). Parmi ces 311 articles, seulement 63 traitaient des activités maritimes combinées. Ce corpus d’articles révèle une complexité autour du concept de multi-usage qui s’est historiquement construit autour d’une notion en apparence similaire, mais finalement relativement différente : les usages multiples.
Retraçons un peu son historique, autour de quelques dates-clé :
Né dans les années 1970, le concept d’usages multiples repose sur le constat d’un accroissement et d’une diversification des activités humaines en mer et donc de la nécessité d’organiser, de gouverner et de planifier l’aménagement des espaces maritimes. En parallèle, le multi-usage propose d’appréhender les synergies pouvant exister entre les activités humaines en mer et de les développer, notamment dans le cadre des politiques de planification spatiale marine. Les différences entre les deux vont au-delà de leurs portées, et s’étendent jusqu’aux dynamiques de recherche (voir figure 1) :
- Le multi-usage vise à favoriser les synergies entre les activités humaines via la coopération et l’intégration au contraire des AMP et de la PSM qui se concentrent sur la régulation.
- Le multi-usage est principalement conçu comme une solution technique et de gestion à des problèmes sociopolitiques révélant un manque d'intégration, entre disciplines scientifiques et avec la politique et la société.
- Le multi-usage s'oriente vers une approche qui dépasse les seules considérations scientifiques pour privilégier l'expertise pratique. Parallèlement, il adopte fréquemment une perspective post-politique, mettant davantage l'accent sur les solutions immédiates plutôt que sur l'analyse des causes profondes des problèmes à résoudre.
Figure 1 : Niveaux d'intégration de la recherche sur le multi-usage, les AMP et la PSM. L'intégration est définie selon trois dimensions : les relations entre les utilisations (objet d'étude), le régime scientifique (relations entre les disciplines) et la transdisciplinarité (relations entre la science, la société et la politique). Figure provenant de l'article de Guyot-Téphany, et al.
Durant cette étude, les auteurs se sont également aperçus que le multi-usage était un concept plus normatif et performatif que descriptif. En effet, s’il est très présent dans les discours scientifiques et politiques, il ne s’est, pour l’instant, pas réellement matérialisé dans la pratique. Il en résulte que les usages multiples décrivent beaucoup mieux la réalité que le multi-usage. Cela est particulièrement marquant en France, où la planification de l’espace maritime vise la cohabitation, plutôt que la combinaison, de différentes activités humaines en mer.
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Lien vers l'article : https://www.nature.com/articles/s44183-024-00043-z
Josselin Guyot-Téphany était chercheur post-doctorant au laboratoire (Nantes Université, UMR 6554 CNRS) LETG lors de l’écriture de cet article. Il est désormais chef de projet chez YS Energies Marines Développement.
Brice Trouillet est professeur des universités au laboratoire LETG (Nantes Université, UMR 6554 CNRS).
Sereno Diederichsen est chef de projet de recherche à l’Université fédérale de Santa Catarina (Brésil).
Elea Juell-Skielse était assistante de recherche au KTH Royal Institute of Technology (Stockholm, Suède) lors de l’écriture de cet article. Elle est désormais consultante environnementale.
Jean-Baptiste E Thomas est chercheur au KTH Royal Institute of Technology (Stockholm, Suède).
Jennifer McCann est directrice des programmes côtiers américains au Centre des ressources côtières de l'Université de Rhode Island, à l'École supérieure d'océanographie (Rhode Island, Etats-Unis).
Céline Rebours est chercheuse au Centre norvégien de compétence maritime (Alesund, Norway).
Marinez Scherer est professeure à l’Université fédérale de Santa Catarina (Brésil).
Peter Freeman est professeur au Centre de ressources côtières de l’Université de Rhode Island (Rhode Island, Etats-Unis).
Fredrik Gröndahl est chef de département du développement durable, des sciences de l'environnement et de l'ingénierie au KTH Royal Institute of Technology (Stockholm, Suède).
John Patrick Walsh est chercheur à l’Université de Rhode Island (Rhode Island, Etats-Unis).
Ivana Lukic est consultante à l’entreprise s.pro (Berlin, Allemagne).